Innī akhāfu an yubaddila dīnakum aw an yuzhira fil-ardhil-fasād
Je crains qu’il ne change votre religion ou qu’il ne fasse apparaître la corruption sur terre.
(Soūrat Ghāfir, No.40, Āyat 26)
Le Coran aborde de nombreux aspects du conflit entre le prophète Moïse ‘alayhis salām et le Pharaon. Il évoque les conversations entre Moïse et le Pharaon (Fir’awn), entre le Pharaon et ses ministres, et aussi entre Fir‘awn et ceux qui ont cru mais qui lui ont caché leur foi. Le verset ci-dessus est extrait d’une conversation que le Pharaon a eue avec ses ministres. Il tente de justifier son désir de se débarrasser du Prophète Moïse et prétend sauver la société.
Il explique le grave danger que représente Moïse :
• Il va changer la religion du peuple, et
• il va répandre la corruption sur Terre.
Revendiquer des raisons vertueuses pour leurs actions afin de camoufler leurs motifs réels est une pratique courante pour les dictateurs désireux d’imposer leur domination à la société. Ils ne peuvent pas tolérer qu’on s’oppose à leur objectif – rendre la société complètement soumise à leurs caprices. Mais ils déguisent leurs objectifs en une soi-disante aide sociale. Le despote Pharaon donne des raisons à la fois spirituelles et mondaines pour ce qu’il veut faire mais chaque raison est seulement selon sa propre interprétation égoïste de ce qui est bon pour les gens. Une croyance en un Dieu Suprême et Unique créerait une révolution complète dans son emprise sur le peuple. Si la croyance en Dieu prêchée par le prophète Moïse se répandait parmi le peuple, le statu quo serait renversé et le pouvoir de Pharaon et de ses ministres menacés. Il discrédite aussi ce que le Prophète veut faire dans la société. Libérer le peuple de la dictature à la fois du corps et de l’âme est considéré comme de la corruption par Pharaon.
Tout au long de l’histoire, les despotes ont tenu à se débarrasser de toute menace imminente à leur domination. Mais en le faisant, ils se présentent avec désinvolture en tant que personnes soucieuses de la société. Chaque fois qu’ils voient une menace à leur pouvoir, ils se déclarent comme des protecteurs de la population, des défenseurs de leurs meilleurs intérêts et des partisans de la réforme. Ils incitent les gens à s’opposer à la menace et font de fausses accusations contre eux. Tout cela est une couverture pour accomplir leurs mauvais desseins. Le Coran mentionne ces hypocrites dans Sūratul Baqarah : Ne semez pas la corruption sur la terre, ils disent : Au contraire nous ne sommes que des réformateurs ! (Q 2 :11)
Les mesures autoritaires visant à dénigrer toute opposition et à s’en débarrasser sont très évidentes aujourd’hui. De fausses accusations sont répandues pour déshumaniser ce qu’on appelle l’ennemi. Des mots intentionnellement inventés sont utilisés pour enflammer les auditoires et obtenir l’appui d’un auditoire à l’égard d’intentions cachées. C’est l’état de la politique dans de nombreuses régions du monde. La plupart des gens succombent à une telle propagande et y croient. Il faut de la vigilance et de la réflexion pour ne pas tomber dans leur piège. Nous devons être conscients des motifs qui sous-tendent beaucoup de ce que disent les dirigeants d’aujourd’hui. Il est évident qu’un grand nombre des dirigeants qui s’élèvent aujourd’hui contre l’injustice ne parlent que lorsque cela leur est bénéfique. Ils parleront au nom de leurs alliés et de ceux qui coopèrent avec eux. Mais ils fermeront les yeux sur les atrocités commises par ceux qu’ils favorisent. La crise au Yémen en est un exemple frappant. La pire crise humanitaire depuis cent ans avec des souffrances incroyables pour les enfants et les femmes ne suscite que peu d’inquiétude. Il y a des tentatives pour empêcher que toute sorte d’aide ne parvienne aux civils les plus nécessiteux. Mais rien n’est fait pour régler la racine du problème et maîtriser la source de la souffrance. Pourtant, ces mêmes dirigeants feront ” pieusement ” de grandes déclarations en faveur de la paix et de la démocratie dans le monde et se débarrasseront des facteurs qui ne sont pas conformes à leurs objectifs.
Laissons ce verset nous rappeler les faux politiciens et les dictateurs qui ont toujours essayé de tromper les gens. C’est ainsi qu’ils conservent leur pouvoir. Mais c’est le plan d’Allah qui finira par être victorieux.
Sources : Āyatullāh Nāsir Makārim Shirāzī (Ed.), Tafsīr-e Namūneh ; Agha Muhsin Qarā’atī, Tafsīr Nūr