Bismillah.
وَاتْلُ عَلَيْهِمْ نَبَأَ ابْنَيْ آدَمَ بِالْحَقِّ إِذْ قَرَّبَا قُرْبَانًا فَتُقُبِّلَ مِنْ أَحَدِهِمَا وَلَمْ يُتَقَبَّلْ مِنَ الْآخَرِ قَالَ لَأَقْتُلَنَّكَ ۖ قَالَ إِنَّمَا يَتَقَبَّلُ اللَّـهُ مِنَ الْمُتَّقِينَ
Watlu ‘alayhim naba-bnay ādama bil-haqqi idh qarrabā qurbānan fatuqubbila min ‘ahadi himā walam yutaqabbal minal-ākhari. Qāla la’aqtulannaka. Qāla innamā yataqabbalul-lāhu minal-mutaqqīn.
Et raconte-leur en toute vérité l’histoire des deux fils d’Adam. Les deux offrirent des sacrifices ; celui de l’un fut accepté et celui de l’autre ne le fut pas. Celui-ci dit : « Je te tuerai sûrement ». « Allah n’accepte, dit l’autre, que de la part des pieux ».
(Surāt a l-Mā’idah, No. 5, Āyat 27)
L’histoire de Hābīl et Qābīl a été explorée par de nombreux musulmans, elle traite du meurtre, tout particulièrement du premier exemple de meurtre parmi les Bani Adam. Cependant, lorsque des histoires sont racontées dans le Coran, elles explorent souvent diverses facettes et mettent en exergue de nombreuses composantes éthiques. Cette histoire n’en fait pas exception et la conversation citée ci-dessus va au-delà de la discussion sur le meurtre.
Il est noté dans les versets que les deux ont fait un sacrifice ou une offrande. Il a été accepté de Hābil mais pas de l’autre. Dans un excès de jalousie et de rébellion, Qābīl décide de tuer Hābīl. Dans la conversation qui s’ensuit, Hābīl note que la raison pour laquelle l’offrande a été acceptée de lui et non de son frère est que les actions sont acceptées par Dieu lorsqu’elles sont faites avec taqwā.
Il y a certains points subtils à noter qui ressortent de l’arabe et qui méritent réflexion. Le premier est que le verbe « qurb » signifie dans son sens le plus essentiel, faire en sorte qu’il soit proche. Il est utilisé pour décrire l’offrande d’un sacrifice. Les origines du mot «qurbānī» sont débattues. Certains pensent qu’il a des origines syriaques tandis que d’autres le rattachent aux mêmes lettres racines. Ici, il serait clair qu’il s’agit de rechercher la proximité avec Dieu. Cela peut également être lié à la phrase que nous utilisons souvent dans les formes de culte où nous disons « qurbatan ilallāh », c’est-à-dire indiquant notre intention de rechercher la proximité d’Allah azza wajall dans nos actions. De plus, le mot ‘muttaqīn’ est un participe actif ismun fā’il() signifiant que Dieu accepte de ceux qui ont le taqwā ou qui se préservent du mal en obéissant et adorant Allah.
Principalement, le point est le suivant : bien que Qābīl ait offert un sacrifice et, en un sens, rempli un devoir, il ne l’a pas fait avec l’esprit de taqwā ou dans l’optique de plaire à Allah et de lui obéir. Dieu n’était pas son but, et il n’a pas fait l’action cherchant à se rapprocher de Lui. À certains égards, cela peut être comparé aux actions que nous faisons, prétendant que nous “agissons” alors même qu’il manque une qualité essentielle. Bien que l’action (en particulier agir sur les ordres de Dieu) soit nécessaire et importante, il est également vital que ces actions aient la qualité de « centrées sur Dieu », c’est-à-dire qu’elles agissent avec l’intention de se rapprocher de Dieu. Beaucoup d’entre nous ne parviennent pas à agir sur le strict minimum de ce qui nous est demandé par Allah, mais prétendent que nos intentions sont «bonnes». Une grande majorité d’entre nous agissent sur ce que nous savons pour remplir nos responsabilités, mais peut-être avons-nous mélangé nos intentions avec autre chose que Dieu.
Avec un court extrait de la dernière conversation entre ces deux frères, il y a une leçon importante sur l’éthique islamique. Il montre la relation entre la qualité d’une action et son acceptation. Tout au long du Coran, la taqwā est souvent discutée avec deux composantes : la croyance et l’action. La vraie piété n’est pas seulement la croyance, mais c’est la croyance qui s’accompagne d’action. Dans Q2:177, le Coran décrit les Pieux avec des descripteurs non seulement à propos de leur croyance mais aussi de la confirmation de cette croyance par des actions :
لَّيْسَ الْبِرَّ أَن تُوَلُّوا وُجُوهَكُمْ قِبَلَ الْمَشْرِقِ وَالْمَغْرِبِ وَلَٰكِنَّ الْبِرَّ مَنْ آمَنَ بِاللَّهِ وَالْيَوْمِ الْآخِرِ وَالْمَلَائِكَةِ وَالْكِتَابِ وَالنَّبِيِّينَ وَآتَى الْمَالَ عَلَىٰ حُبِّهِ ذَوِي الْقُرْبَىٰ وَالْيَتَامَىٰ وَالْمَسَاكِينَ وَابْنَ السَّبِيلِ وَالسَّائِلِينَ وَفِي الرِّقَابِ وَأَقَامَ الصَّلَاةَ وَآتَى الزَّكَاةَ وَالْمُوفُونَ بِعَهْدِهِمْ إِذَا عَاهَدُوا ۖ وَالصَّابِرِينَ فِي الْبَأْسَاءِ وَالضَّرَّاءِ وَحِينَ الْبَأْسِ ۗ أُولَٰئِكَ الَّذِينَ صَدَقُوا ۖ وَأُولَٰئِكَ هُمُ الْمُتَّقُونَ
La bonté pieuse ne consiste pas à tourner vos visages vers le Levant ou le Couchant. Mais la bonté pieuse est de croire en Allah, au Jour dernier, aux Anges, au Livre et aux prophètes, de donner de son bien, quelqu’amour qu’on en ait, aux proches, aux orphelins, aux nécessiteux, aux voyageurs indigents et à ceux qui demandent l’aide et pour délier les jougs, d’accomplir la Ṣalāt et d’acquitter la Zakāt. Et ceux qui remplissent leurs engagements lorsqu’ils se sont engagés, ceux qui sont endurants dans la misère, la maladie et quand les combats font rage, les voilà les véridiques et les voilà les vrais pieux !
De plus, une action dépourvue de croyance et de volonté de se rapprocher de Dieu est souvent considérée comme futile. Plus loin dans le même chapitre, au verset 264, l’exemple de la charité sans croyance est noté à travers la parabole d’un rocher nu :
يَا أَيُّهَا الَّذِينَ آمَنُوا لَا تُبْطِلُوا صَدَقَاتِكُم بِالْمَنِّ وَالْأَذَىٰ كَالَّذِي يُنفِقُ مَالَهُ رِئَاءَ النَّاسِ وَلَا يُؤْمِنُ بِاللَّهِ وَالْيَوْمِ الْآخِرِ ۖ فَمَثَلُهُ كَمَثَلِ صَفْوَانٍ عَلَيْهِ تُرَابٌ فَأَصَابَهُ وَابِلٌ فَتَرَكَهُ صَلْدًا ۖ لَّا يَقْدِرُونَ عَلَىٰ شَيْءٍ مِّمَّا كَسَبُوا ۗ وَاللَّهُ لَا يَهْدِي الْقَوْمَ الْكَافِرِينَ
Ô les croyants ! N’annulez pas vos aumônes par un rappel ou un tort, comme celui qui dépense son bien par ostentation devant les gens sans croire en Allah et au Jour dernier. Il ressemble à un rocher recouvert de terre : qu’une averse l’atteigne, et laisse dénué. De pareils hommes ne tireront aucun profit de leurs actes. Et Allah ne guide pas les gens mécréants.
Ces concepts sont mentionnés à plusieurs reprises dans le Coran et construisent un paradigme éthique. Les actions ne concernent pas seulement la forme des actions elles-mêmes, mais plutôt la qualité qui les sous-tend. Dans cette histoire, les mots de Hābīl sont un récit édifiant ; même lorsque nous agissons sur les ordres de Dieu, le degré de volonté de se rapprocher de Dieu fait partie de l’action qui conduira à son acceptation ou à son rejet. Dans une tradition fiable de l’Imam Ali Zayn al-‘Ābidīn (a), il est rapporté : Il n’y a pas d’action sauf avec son intention, c’est-à-dire que la volonté de se rapprocher de Dieu dans une action fait partie de l’action elle-même et ce qui rend une action digne de la récompense divine est la recherche de la satisfaction de Dieu (selon ses commandements). En tant que tel, une question importante à nous poser lorsque nous analysons et évaluons nos propres actions n’est pas de savoir si notre action était « bonne » ou non, mais plutôt de savoir si nos actions étaient effectuées pour Dieu ou non.
Sources: Elsaid Badawi and Muhammad AbdelHaleem, The Arabic-English Dictionary of Qur’anic Usage; Shaykh Kulaynī, Al-Kāfī, Volume 2