Réflexion coranique n° 472. Āyat 19 :4 – L’Allégorie et la Métaphore

Bismillah.

Et ma tête s’est enflammée de cheveux blancs.

Comme mentionné dans une réflexion précédente sur les comparaisons dans le Noble Coran, les figures de style sont des usages d’un mot ou d’une phrase qui dévient intentionnellement de leur usage initial pour produire un effet rhétorique. En arabe, les figures de style telles que la comparaison, l’allégorie et la métonymie sont étudiées dans une discipline appelée ‘ilm al-bayān. Cette discipline, ainsi deux autres, appelées ‘ilm al-ma’ānī et ‘ilm al-badī’, constitue l’étude de la rhétorique arabe. Bien que la rhétorique arabe existait avant l’Islam, présente dans la poésie éloquente de l’époque de l’ignorance (jāhilīyyah), elle fut davantage développée et codifiée par les musulmans des siècles après la disparition du Noble Messager (que la paix et les bénédictions soient sur lui et sa famille). L’un des moteurs de cette étude de la rhétorique arabe fut théologique, les musulmans voulant prouver l’éloquence miraculeuse du Coran. Deux érudits clés dans ce domaine furent Jurjānī, qui en posa les bases théoriques, et Zamakhsharī, qui appliqua ces théories dans son exégèse du Coran nommée al-Kashshāf. Ces deux érudits vécurent respectivement aux cinquième et sixième siècle de l’Hégire.

L’une de ces figures de style apparaissant dans le Coran est le majāz en arabe. Le majāz est quand un mot n’est pas utilisé dans son sens littéral habituel, mais qu’un sens métaphorique ou allégorique est intentionné. Le lien entre le sens littéral et le sens allégorique peut varier pour différentes raisons. Par exemple, dans la phrase « Le président a déplacé son ambassade d’une ville à une autre », ce n’est pas littéralement le président qui a effectué ce déplacement, mais plutôt qu’il a donné l’ordre, et une équipe d’employés à déplacer l’ambassade. C’est un usage de majāz puisque le terme mentionné (le président) est la cause du sens intentionné (les travailleurs obéissant à son ordre). De même, dans la Āyat 12 :36 du Coran, le vigneron emprisonné avec le prophète Yūsuf (a) dit : En vérité, je me voyais presser du vin. 

Le vin n’est pas pressé directement, ce sont les raisins qui le sont ! Cependant comme les raisins deviendront du vin, il existe un lien de causalité permettant cet usage de majāz. Ou considérez le verset 26 :84 dans lequel le prophète Ibrāhīm (a) prie – Et confère-moi une langue de vérité parmi la postérité. Ici, le prophète Ibrāhīm prie pour que l’on se souvienne de lui avec affection dans le futur, mais le terme « une langue de vérité » est utilisé pour symboliser un tel souvenir. Une fois encore, ce lien entre les deux concepts permet l’utilisation du majāz. 

Le recours au majāz permet au locuteur d’exprimer un point de vue de façon succincte, sans devoir ajouter de longues explications. Ou bien, il peut intentionnellement ignorer certains détails, comme dans l’exemple : « La stupidité de cette personne a causé sa perte. » Une autre fonction que remplit l’allégorie est d’ajouter une touche esthétique et stylistique aux paroles. Peut-être que les versets mentionnant « presser le vin » ou « une langue de vérité » en sont des exemples.

Le concept arabe de majāz ressemble à l’allégorie en français, où le sens littéral diffère du sens intentionné. Mais alors qu’une allégorie est souvent utilisée pour une histoire entière, comme « La Ferme des animaux » de George Orwell représentant la société soviétique, le majāz se réfère à un mot isolé. Lorsque le lien permettant un usage de majāz est la ressemblance entre le sens littéral et le sens voulu, cela se nomme en arabe isti‘ārah, équivalant à la métaphore en français. Dans le verset cité au début de cette réflexion, le Prophète Zakarīyyā utilise la métaphore du feu pour indiquer à quel point les cheveux blancs ont rapidement envahi sa tête.

Les figures de style utilisées dans le Coran symbolisent l’éloquence de la langue du Coran, ce qui fait partie de sa nature miraculeuse. Nous prions Allah d’augmenter notre compréhension et notre amour pour le Noble Coran. Nous Lui demandons l’opportunité d’apprendre la langue arabe pour pouvoir bénéficier directement de la beauté miraculeuse du Coran et des récits de Ahl al-Bayt.

Sources : Hussein Abdul-Raof, Arabic Rhetoric ; Shaykh Mu’īn Daqīq, Durūs fī al-Balāghah.